j’ai été invité à suivre un séminaire à Dijon consacré à la croissance.

La discussion la plus fascinante n’expliquait pas comment la réamorcer, mais pourquoi celle-ci est primordiale. Depuis le 19ème siècle, le niveau de vie a progressé de manière spectaculaire – spécialement en Occident. Nombreux sont ceux qui doutent donc du fait que nous avons encore un tel besoin de maintenir la croissance. C’est qu’ils affilient en réalité la « croissance économique » au matérialisme, au nivellement des normes et des valeurs, à la pollution environnementale. Mais c’est une bévue. Difficile de nier que sans croissance, nous n’aurions pas d’hypermarchés, pas plus que de matérialisme ou de grands films hollywoodiens. Seulement il nous faudrait également nous résigner à ne plus profiter de sécurité sociale, de liberté, de culture… C’est la croissance qui nous autorise de travailler considérablement moins qu’au début du XXe siècle. C’est aussi la croissance qui a fait que la mortalité infantile n’a jamais été si basse, qu’une sécurité sociale a été érigé, que certains pays sont capables de consolider l’enseignement, que la redistribution est envisageable grâce à l’impôt sur le revenu. La croissance pour la croissance ne constitue pas un objectif en soi, mais la croissance ouvre plutôt des perspectives. La croissance n’est donc finalement qu’un outil permettant à des hommes, des entreprises ou des Etats d’embellir leur sort. La façon dont ils gèrent cette croissance et fixent leurs priorités participe ensuite de leur choix propre. Dans certains Etats comme l’Arabie saoudite, une progression de la fortune soutiendra probablement à l’apparition de pistes de ski au milieu du désert, de splendides centres commerciaux ou à la création d’un circuit de Formule 1. Un pays tel que la Chine profitera certainement d’une plus grande prospérité pour obtenir des terres labourables étrangères, obtenir nos vignobles, instaurer un système de sécurité sociale ou bâtir un porte-avion. La Suède choisira de accroître la couverture sociale, d’intercaler une semaine de travail réduite ou de privilégier une meilleure protection du climat. Aux États-Unis, une amélioration de la richesse globale sera vraisemblablement allouée au développement du département de la sécurité intérieure et à la diminution des impôts. La croissance n’est donc pas une finalité en soi : ce qui compte, c’est ce que cette croissance permet à la société. Il en va de même pour les personnes. Lorsque l’individu s’améliore d’un point de vue financier, il est amené à faire des choix. Certains useront de ce pécule pour gagner plus de possessions ou un plus grand téléviseur, pour se payer de beaux voyages. D’autres opteront pour leurs enfants et petits-enfants. D’autres enfin s’offriront des produits de qualité plus coûteux, apporteront leur soutien à Médecins sans frontières ou aideront directement les pays en voie de développement. Nous pouvons exécrer certains de ces choix. Peut-être avons-nous une idée concernant la manière d’employer cette augmentation des capitaux. Néanmoins pour être en mesure de effectuer ces choix, la croissance est indispensable. Qu’on parle d’éducation, de soins médicaux, de l’âge légal de départ en retraite, de plus de défense, de protection environnementale ou de réduction du travail… Sans croissance, une société n’a aucune chance de s’améliorer. Ce séminaire à Reims était plutôt positif, dans l’ensemble.

Les commentaires sont clôturés.