J’adore la Série 6

L’Europe n’est plus le centre de gravité des berlines de luxe allemandes. Les limousines made in Germany regardent désormais vers les Etats-Unis et, surtout, la Chine où se trouve l’essentiel de leurs acheteurs. Pour plaire, il leur faut donc s’adapter aux codes locaux. Adopter un style consensuel, s’étirer en longueur, ne pas lésiner sur les inserts de chrome, offrir un maximum d’espace et de confort aux places arrière, prévoir un très grand coffre ou encore privilégier la souplesse des suspensions. La BMW Série 6 Gran Turismo se plie avec zèle à cet exercice. Légèrement surélevé, long (5,09 m) et massif, ce modèle très élitiste dont les tarifs débutent à 63 900 euros, se présente comme une alternative à la Série 7 qui continue de se poser comme le navire amiral de la firme. Les virages serrés des petites routes ne sont pas sa tasse de thé. Cette voiture, d’un tempérament bien moins latin que sa dénomination pourrait le laisser penser, s’adresse tout particulièrement à une clientèle américaine et asiatique ; hormis en Allemagne, sa diffusion sur le Vieux Continent n’atteindra pas de volumes élevés. Elle convoite des acheteurs plutôt âgés, lassés des références classiques mais point disposés à opter pour un SUV. La Série 6 GT doit tout à la fois évoquer la fluidité d’un coupé et proposer un coffre capable d’embarquer plusieurs sacs de golf (unité de mesure généralement utilisée pour ce genre d’automobile), incarner l’académisme d’une berline de classe et installer ses occupants en position légèrement surélevée. Ces injonctions paradoxales ont engendré un profil à la fois ventru et dynamique, un peu déroutant. Autrement plus convaincant, en tout cas, que la pachydermique Série 5 GT, apparue en 2009, que la nouvelle venue fera vite oublier. Perchée plus haut, la Série 6 GT a consenti de louables efforts pour s’alléger mais son poids flirte quand même avec les 2 tonnes. Les virages serrés des petites routes ne sont donc pas sa tasse de thé mais, sur autoroute, dans les encombrements, voire pour se garer, il est possible de s’en remettre à diverses assistances à la conduite. Le choix des motorisations (des quatre ou six-cylindres développant de 258 à 340 ch) est large mais, pour ce qui concerne la France, le diesel représentera la très grande majorité des ventes compte tenu, notamment, des malus imposés aux versions essence (de 613 à 9 050 euros, pour 2017). BMW n’a pas prévu de doter ce modèle d’une motorisation hybride-rechargeable, signe que cette technologie est difficile à rentabiliser, pour un constructeur comme pour le consommateur. Plus versée dans le tourisme que dans le « Gran Turismo » cher aux gentleman-drivers des années 1960, la Série 6 GT privilégie ouvertement le bien-être de ses occupants, une philosophie en phase avec la culture automobile américaine et chinoise. Il s’en dégage un confort ouaté de Pullman, assuré par une suspension pneumatique à l’arrière (et à l’avant, en option). Passons sur l’insonorisation impeccable qui laisse néanmoins filtrer dans l’habitacle le beau bruit des moteurs BMW dont l’acoustique a, comme d’habitude, été soignée. Impossible, en revanche, pour les motoristes bavarois de rendre suave la mélopée d’un diesel au ralenti. Rivale de l’Audi A7 et de la Mercedes CLS, la Série 6 Gran Turismo s’intègre dans une gamme BMW devenue pléthorique au fil des ans. Comme ses alter ego allemands, la firme a développé un catalogue qui compte beaucoup plus de modèles que ceux des marques généralistes comme Volkswagen, Peugeot ou Renault. Un quadrillage animé par la volonté d’occuper la moindre niche de marché pour ne rien céder à la concurrence. De février 2017 à février 2019, le constructeur prévoit de réaliser quarante lancements, entre simples restylages, vrais renouvellements, versions « électrifiées » et modèles inédits. Au risque de désorienter son aimable clientèle ? Sans doute. Chez BMW, on estime que l’élargissement de la gamme arrivera bientôt à son terme.

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